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La danse afro-américaine magnifiée par la compagnie Alvin Ailey

Quelque 3 800 personnes debout en train d’applaudir, de crier, de sourire, d’agiter la main pour dire « bye-bye » ! Il faut avoir le gabarit du Palais des congrès, à Paris, et le talent rassembleur de l’Alvin Ailey American Dance Theater pour accomplir pareil exploit. Samedi 19 octobre, cette euphorie collective de folie s’est répandue dans un immense brouhaha de bonne humeur jusque sur l’esplanade de la porte Maillot.
La fameuse troupe américaine fondée en 1958, à New York, a retrouvé le public parisien après sept ans d’absence. Véritable bannière de la cause d’une danse engagée dont le lyrisme accueille tout un chacun, elle maintient haut le legs subtilement militant d’Alvin Ailey (1931-1989). Né au Texas de parents ouvriers agricoles, il croise la route de Katherine Dunham (1909-2006), chorégraphe et anthropologue spécialiste des Caraïbes, puis de Lester Horton (1906-1953), dont la recherche s’enracinait notamment dans les traditions amérindiennes et qui fut l’un des premiers à revendiquer l’intégration raciale. Alors que la lutte pour les droits civiques culmine, Ailey décide de créer sa compagnie, posant l’héritage afro-américain au sein de l’histoire de la danse moderne.
Deux programmes sont à l’affiche, majoritairement composés d’œuvres de chorégraphes afro-américains, dont ceux de la nouvelle génération comme Amy Hall Garner. Sous la direction, depuis 2020, de Matthew Rushing, la troupe perpétue l’esprit généreux d’Ailey qui invitait nombre d’artistes en tout genre. On renoue avec Alonzo King, à la tête du Lines Ballet, basé à San Francisco, et son écriture tire-bouchon dans la pièce pour neuf interprètes Following the Subtle Current Upstream. Les pliés larges fourbissent des sauts à ressort, des piqués vrillés, des déboulés à filer le tournis. Fluide toujours, surprenante dans ses coups d’épaule ou de têtes renversées, la danse change d’humeur sur le fil d’entrées et de sorties rapides et d’une bande-son contrastée entre Zakir Hussain et Miriam Makeba.
La souplesse de la colonne vertébrale signe également la gestuelle de Ronald K. Brown. Cet autre représentant emblématique de la diaspora africaine depuis les années 1980 déroule ici, sous le titre de Dancing Spirit, une série de tableaux épurés. Rien que la diagonale qui introduit le spectacle pourrait durer des heures. Dans des ronds de lumière, neuf danseurs se succèdent, relayant un cycle de pas balancés. Un monde flottant de correspondances, sous influence de la culture cubaine et brésilienne, s’installe. Les sons jazz de Duke Ellington et de Wynton Marsalis activent la respiration profonde de cette traversée dédiée à Judith Jamison, muse d’Ailey dès les années 1960, directrice de l’Alvin Ailey American Dance Theater de 1989 à 2011.
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